Traditionnellement consacrée à un pays, la rétrospective du Cinéma
du réel aborde cette année un continent sans frontières: l'amour. Quarante-deux documentaires qui parcourent ce siècle et ses sentiments en utilisant tous les artifices du cinéma. «L'amour, en réaction au monde virtuel qui se profile», explique la déléguée générale du festival, Suzette Glénadel. «Ce je ne sais quoi, si peu de chose qu'on ne peut le reconnaître, écrit Corneille, remue toute la terre, les princes, les armées, le monde entier»" Ce réel-là, qui ne se donne pas aisément à voir, prouve ici qu'il est un vibrant sujet de documentaire. Mais aussi, et c'est peut-être là que le docu s'écarte de la fiction, qu'il peut en être la matière même.
Ainsi en est-il des films les plus réussis de la sélection, qui sont aussi les plus fous. En 1975, les frères Albert et David Mayles filment Edith Bouvier Beale et sa fille dans leur maison délabrée de Long Island. Respectivement tante et cousine de Jacqueline Bouvier Kennedy, ces deux femmes de la high society américaine vivent alors ensemble, confinées dans une chambre à lits jumeaux, au milieu des chats: la mère, c'est «Bid Edie», la fille, «Little Edie». Un rapport ravageur qu'elles jouent à vif pour Grey Gardens. «David chéri, dit Little Edie à la caméra, pourquoi avoir attendu si longtemps pour entrer dans ma vie?"» Effectivement. Elles jouissent de ce plateau offert pour être enfin les intarissables artistes-interprètes de leur vie. «Il est terriblement diff