On l'avait laissé, hypnotisant le public de Bastille de son legato
dans le fameux duo avec le Grand Inquisiteur. Kristin Sigmundsson était terrifiant de gravité, mais le Philippe II de Samuel Ramey, coincé dans les découpes obscures du Don Carlo monté par Graham Vick, était électrisant de désespoir. Quelques minutes plus tôt, dans une scène de l'autodafé avec procession de chars et flambeaux, carrosse d'argent et velours ducal, ce fils d'une Amérique oubliée faisait, des ors scintillants de la façade du palais, une sortie de pure rock star.
Dans sa loge ensoleillée de Bastille, il y a quelques jours, la basse la plus «sexy» de la planète avait retrouvé son naturel confortable de natif du Kansas. Les bottes d'outlaw rappellent que si le destin en avait décidé autrement, Ramey serait peut-être devenu un rival de Kris Kristofferson ou Willie Nelson, avec en plus, un timbre coulé dans le bronze et une technique vocale qui auraient chaviré le monde du music-hall et de la country.
L'allure toujours jeune, Samuel Ramey, 58 ans dans une semaine, est entouré de miroirs, mais à aucun moment de l'entretien son regard ne croisera l'un d'entre eux. Enfant, il se donne naturellement en public et aime ça, autant que le basket et le base-ball. Mais passées les comédies musicales montées au lycée, Ramey se voit plutôt professeur de musique. Au sortir de l'adolescence, il a découvert les grandes basses de l'histoire, tel Ezio Pinza, mais il n'a toujours pas assisté à la moindre représentation d