Deauville, envoyé spécial.
En trois jours de festival, le tourniquet du cinéma asiatique a démontré à quelles vitesses affolantes et ténébreuses il aimait tourner. Plusieurs films, nés sous des horizons divers, s'assemblent en effet sous un même ciel: celui du crime. Il y a d'abord eu Cop Abula de Khan Lee (Taiwan), qui nous fait presque rire d'un passage à tabac chez les flics et filme, sur des registres inégaux, la violence métaphorique des rapports entre un inspecteur et une clandestine de Chine pop'. Plus cocasse et morbide, 69 est l'histoire d'un Barbe bleue au féminin, qui accumule les cadavres dans ses placards avec un naturel parfait. Venu de Thaïlande, ce qui n'est pas rien, le film marche excellemment jusqu'à sa conclusion, où le réalisateur, Pen-ek Ratanaruang, manque un poil de courage. Enfin, avec Nowhere to Hide, le Coréen Lee Myung-se a gagné à grands coups de tatane le prix Hermès du jury. Pure démonstration de ce que l'on pourrait appeler ultimate cinéma (comme il existe de l'ultimate fighting), le film est une préfiguration brillante de ce que pourrait être un cinéma ado de demain, aux confins du manga et du jeu vidéo, avec beaucoup d'action, de techno et de pluie. A certains égards, le cinéaste réussit ce qu'Hollywood a raté avec Darkman: une sorte de touchant Matrix pauvre. Nowhere to Hide est peut-être le film d'une avant-garde: le bruit monte qu'en Corée se mitonne aujourd'hui le cinéma asiatique le plus prometteur de demain.
Libération, en collaboration