Quand le cinéma se décide à sérieusement parler politique, il se cogne souvent contre les murs du réel. Par velléité, peut-être. Mais aussi parce qu'il est très difficile de transposer le contexte d'une agitation politique authentique dans celui d'une fiction: pour restituer l'indéfinissable pollen qui enivre un mouvement de grève, une manifestation, une lutte, le documentaire est naturellement supérieur. Avec Nadia et les hippopotames (nouvel épisode de la désormais fameuse série «Gauche-Droite» coproduite et diffusée par Arte), Dominique Cabrera a trouvé un bon compromis, qui mélange de vrais acteurs avec des non-professionnels, mais aussi des situations reconstituées avec d'autres fictionnelles, mais encore le regard de la cinéaste avec celui d'un sociologue, Philippe Corcuff, qui cosigne le scénario.
Ironie réflexive. Le résultat est un vrai bon moment d'intimité humaine et d'ironie réflexive, par lequel nous voyageons dans un passé récent, celui de décembre 1995, qui a encore pour tous un goût de grandes grèves, d'embouteillages joyeux et d'Alain Juppé. La proximité de cette reconstitution microhistorique offre un vrai bénéfice: assez frais dans nos souvenirs, les mouvements de décembre 1995 n'en sont pas moins déjà opaques dans nos consciences. Qu'avons-nous gagné et perdu depuis, au fait? Un plan Sécu de vaincu, certes, mais pour quelle alternative? Ces questions, Cabrera n'y répond pas. Elle les laisse traverser le bout de femme qu'elle s'est choisi