Les Rencontres cinématographiques de Nantes, qui se sont closes le
week-end dernier, ont programmé une demi-douzaine de films d'hier et d'aujourd'hui évoquant les anarchistes espagnols. Le sujet, passionnant, a déjà fait l'objet d'un livre américain récent, Film and the Anarchist Imagination, de Richard Porton (1), qui montre comment l'image des libertaires a été mise en scène. En général, le processus s'est limité à la figure du saboteur ou du lanceur de bombes, façon Emile Henry ou Ravachol. Cette vision unilatérale s'impose dès The Voice of the Violin (1909), histoire d'un musicien assassin réalisée par D. W. Griffith, un an après ce qu'aux Etats-Unis on a appelé la «Menace anarchiste». Cette figure dominante perdure jusqu'à nos jours, comme l'atteste le Germinal (1993) de Claude Berri avec le personnage de Souvarine. Des exceptions existent pourtant qui, pour les plus intéressantes, ont un rapport avec les débuts de la guerre d'Espagne. Révolution sociale. En 1936, le mouvement libertaire est en Espagne un mouvement de masse, majoritaire dans la classe ouvrière, hégémonique en Catalogne (2). Quand le Front populaire arrive au pouvoir à la fin de l'hiver 1936, les prisonniers politiques de la Confédération nationale du travail (CNT) sont libérés, la centrale syndicale, qui compte plus d'un million d'adhérents, a pignon sur rue. Très vite se pose la question de la production et de la réalisation de films qui transmettraient l'idéologie anarcho-syndicale. Tout s'accélère av