Berlin, de notre correspondante.

Qui donc est le Souverain en Allemagne: «le peu-ple» ou bien «la population»? Et l'un exclut-il l'autre? Pendant une heure et demi hier soir, le Parlement allemand a dû débattre et voter sur ces questions de fond" soulevées par l'artiste Hans Haacke, un Allemand émigré depuis des années aux Etats-Unis.

Le projet, qui a valu à Hans Haacke un honneur aussi inhabituel, prévoit l'installation dans une cour intérieure du Reichstag, le siège du Parlement à Berlin, d'une grande auge dans laquelle chacun des 669 députés apporterait une pelletée de terre de sa circonscription, pour former une oeuvre évolutive. Le hic, qui a provoqué le débat, précédé de plusieurs semaines de controverse dans les médias, est que Hans Haacke veut dédier sa plate-bande non pas «Au peuple allemand» («Dem deutschen Volke»), l'inscription qui orne le Reichstag, mais «A la population» («Der Bevölkerung»), dédicace qui brillerait en lettres lumineuses imitant la calligraphie du fronton.

Goguenard. A la tribune du Parlement, le député chrétien-démocrate Volker Kauder, qui a sonné le premier l'alerte contre le «scandaleux» projet, tempête: «Quand donc, nous les Allemands, apprendrons-nous à nous comporter de façon aussi normale que les Français ou les Britanniques? En Allemagne, certains croient encore que pour être quelqu'un de bien il faut diffamer le peuple allemand.» La Constitution allemande fait aujourd'hui encore du peuple allemand le «Souverain», renchérit Norbert Lammert