Tourné durant l'été 1962 à New York avec 300 dollars et de la
pellicule 16 mm périmée, projeté et aussitôt interdit (la même année que le Scorpio Rising de Kenneth Anger), Flaming Creatures (inspiré par Delacroix, Véronèse et le parfum Shalimar) reste non seulement le film mythique autour duquel tourne l'oeuvre de Jack Smith, mais la matrice ouverte de tout fantasme «camp» (sexy/pédé/kitsch) qui se respecte: de Werner Shroeter faisant de la Mort de Maria Malibran un opéra wildien à Adolfo Arrieta invitant Marie-France aux Intrigues de Sylvia Cousky, des Gazolines prenant d'assaut la Coupole en novembre 1973 pour fêter les New York Dolls aux offenses movida d'Almodovar, tout est là, en 45 minutes tragiques et maquillées.
Devant Flaming Creatures, impossible de savoir si nous sommes dans un roman de Genet ou de Burroughs, si ces images ont été prises dans une maison close à Tanger ou dans les caves de la Rose rouge. Les «créatures flamboyantes», garçons-geishas travestis, hantent une médina abrutie de soleil artificiel rejouant Hollywood en happening permanent pour bordel de Punta del Este: une odeur de sperme prend à la gorge Delicious Dolores, Pola Negri de pacotille dotée d'un unique sein ballottant; le voile laiteux, entre naphtaline et lactose, qui enveloppe l'écran confère une aura flétrie à ces roses vénéneuses s'appropriant des poses de stars. Tout flotte. Le cinéma est l'opium du siècle, et Flaming Creatures sa boîte de Pandore.
Beautés licencieuses. Jack Smith, perform