Menu
Libération
Critique

La Corse, paysages intérieurs

Article réservé aux abonnés
A vingt ans d'intervalle, deux photographes-cinéastes donnent leur vision de l'île. Marker regarde les Corses en face, Depardon les laisse hors champ.
publié le 24 avril 2000 à 23h52

«C'était le résultat d'un seul et unique voyage en Corse, dit Chris Marker, aucun rapport entre le touriste que j'étais et la corsitude viscérale de Marie Susini. D'où il appert que je n'ai rien du tout à dire sur la Corse: j'étais là, clic clac merci Kodak, that's all folks!» Le cinéaste est bien modeste sur le travail qu'il fit à l'époque (en 1980): un ensemble de photographies qui feront le coeur du livre la Renfermée, la Corse (1). Un vif duo écrivain/photographe que l'on retrouve à l'oeuvre aujourd'hui avec un livre où un texte de Jean-Noël Pancrazi côtoie les photographies de Raymond Depardon (2). A vingt ans d'intervalle, comment l'un et l'autre photographe ont-ils regardé la Corse? Qu'a-t-elle donné à voir? Et surtout comment, ainsi que le dit Marker, «ces photos que je jugeais superficielles parce qu'elles n'appartenaient pas à mon histoire peuvent aimanter malgré elles l'histoire et la mémoire de celle qui les regarde»?

Etat des lieux. Un visage de jeune femme au regard intense, le mazzero sur les cheveux noirs, fait la couverture du livre de Marker/Susini; celle du livre de Depardon/Pancrazi se resserre sur les contours crânes de l'église de San Mighele de Murato. «Je ne vois personne"» écrit Depardon dans son court commentaire. Il n'a vu personne en Corse. La commande, venant d'Anne Baldassari et Anne Alessandri (du FRAC corse), était d'une sorte d'état des lieux de l'île. «Je vois des photographies simples, grand format noir et blanc (") avec beaucoup de détails,