Elle est bien camouflée. La sortie française de la Tranchée,
première réalisation du romancier britannique d'Accra, William Boyd, a tout de l'enterrement: une salle, rébarbative (racket à «l'ouvreuse» et petite panne de son de 10 minutes à l'aise), on fait mieux comme lancement parisien.
La question du film, sensible dès le prégénérique, n'en est que mieux posée. Y a-t-il moyen de sauver «la tranchée»? Réponse historique: non. Personne n'en sortira, nous le savons avant cette veillée d'arme de «la bataille de la Somme», 1916. Réponse cinématographique: oui. Dans son invisibilité, le film efface et sauve peut-être les nouveautés voyantes du moment.
Disons d'emblée, par exemple, que des derniers films de guerre parus, du Soldat Ryan et autres Capitaine Conan, Légionnaire ou Légende d'automne à la Ligne rouge (remake de la vraie Ligne rouge de 1964), la Tranchée est désormais notre petit favori, pour la sobriété. La marque de fabrique maison est en effet le tact. Amorti lumineux (La Tour) ou sonore (rumeur ambient des bombardements); retenue dramatique (casting anonyme, pathos réduit au flegme); valeurs mates. C'est «la ligne brune», à peine esthétisante (on peut imputer une certaine joliesse à ce suspense boucher). Couleur de terre éboulée, en guise de ligne d'horizon sous l'Orage d'acier; couleur de vareuse marron d'uniforme anglais 14-18; couleur de rhum pour noyer le mouron; couleur de cheveux adolescents ébouriffés (Billy a 17 ans); couleur d'accents du terroir; couleur de