Seul livret connu de Heiner Müller, l'Opéra du dragon lui avait été
commandé en 1968 par Paul Dessau à une époque où le dramaturge berlinois connaissait de réelles difficultés pour travailler. Il venait d'être exclu de l'Union des écrivains de la RDA et ne bénéficiait pas encore du privilège de pouvoir voyager librement entre l'Est et l'Ouest. Contes et politique. C'est grâce à la notoriété de Dessau, qui fut (avec Kurt Weill) le compositeur de Bertolt Brecht, que l'opéra fut monté. Une oeuvre politique inspirée de contes pour enfants, de mythes populaires et de grandiloquence wagnérienne pour traiter de révolution thème müllerien par excellence , qui laisse affleurer derrière l'ironie de la fable une note salement pessimiste.
Il était une fois, à variable époque, une contrée qui s'était placée d'elle-même sous l'empire du dragon par crainte du choléra. En contrepartie, l'énergumène à griffes et à écailles réclame son tribut de chair fraîche que les citoyens livrent sans rechigner. Jusqu'au jour où débarque Lancelot, sauveur acharné, déterminé à libérer la ville surtout depuis qu'il a vu les yeux d'Elsa, fille du grand archiviste Charlemagne promise au sacrifice. Sauf que les tyrannisés n'ont jamais demandé à ce freluquet de les débarrasser de leur «Dradra».
Las de jouer les Big Brother «quand donc ce peuple se gouvernera-t-il enfin lui-même?» , le monstre est prêt à lâcher prise de lui même. «Un révolutionnaire. Quel ennui. A peine a-t-on établi un ordre du monde et mis