On descend un escalier. On paie en dollars. Une femme imposante
dispense une leçon de beauté folle sur l'ongle et son devenir géographique. On est dans les caves illégales d'un salon. Disons Soins & beauté (institut), à Ivry, place Salvador-Allende. Voilà pour l'enseigne. Et sous les néons? Sensualité et langage. Réminiscences intimes et fantômes politiques. Désir et démence.
Farfelu, orgueilleux" L'inconnue Alejandra Rojo déboule avec un chef-d'oeuvre . Et si le plus beau film français de l'année ne durait que quarante-cinq minutes, comme ça, pour affirmer une indépendance farouche? Et si ce film osait s'afficher comme un intrus total, un exilé de partout: tapant l'incruste dans le paysage (morne plaine) du ciné français, réglant les pendules du cinéma au féminin, dynamitant à gauche de la gauche le cinétract politique. Bien que proposé dans la collection Décadrage-Magouric, Soins & beauté arrive sans passe-droit, sans papiers et fier de ses lettres, orgueilleux de sa liberté de ton et de parole, de ses prises farfelues, irrésumables, inspirées, en suspens (haute voltige), plaidant tous azimuts pour un droit à la différence, réclamant un endroit où ne pas s'intégrer, où ne pas se dissoudre dans la masse, vomissant nos offres pour continuer à être «étranger à son propre langage». Son but: prendre les mots à la racine pour traiter les maux en profondeur. Filmer au coeur du secret. Quel secret? L'origine du monde, le sexe de la femme, pardi" De quoi s'agit-il ici, dans les sou