Beau Travail, le nouveau film de Claire Denis, est une production
d'Arte, conçue dans le cadre de sa collection Terres étrangères, et certains l'ont peut-être vue le mois dernier à la télévision malgré l'heure exagérément tardive de sa diffusion. Pourtant, sa distribution en salles n'a vraiment rien d'une formalité superfétatoire. Car il faut bien la petite liturgie d'une séance de cinéma pour que cette histoire (presque) sans paroles, faite de cérémoniaux étranges et tortueux sur fond de désert, de sel et de vent, distille en toute quiétude le poison de ses charmes hypnotiques. Les légionnaires au travail de Claire Denis sont beaux comme des fantômes et fuyants comme des ombres qui dansent sur un mur. Ils ne sauraient en cela se soustraire au dispositif de la projection de cinéma, ses proportions et la texture de ses images. Car de toute façon le film ne parle que de cela: la projection.
Melville et Britten. L'adjudant-chef Galoup (Denis Lavant, retrouvé) mène ses hommes avec allant sous l'oeil bienveillant du commandant Forrestier (Michel Subor, qui reprend ici le patronyme qui était déjà le sien dans le Petit Soldat de Jean-Luc Godard). Un jour débarque une nouvelle recrue, le jeune et énigmatique Sentain (Grégoire Colin). Dans ce miroir sans tain, Galoup projette ses fantasmes, ses terreurs, ses innombrables frustrations et points de folie. Jusqu'à ce que tout s'effondre. Pour donner forme à ces quelques motifs issus du Billy Bud d'Herman Melville (le film utilise aussi qu