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Libération

A entendre au festival «Passages» de Nançy, le chant d'un peuple nié par les Russes. Echo Tchouktche.

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publié le 8 mai 2000 à 0h33

Anadyr, envoyé spécial.

«Nous disparaissons», dit-elle doucement, en finissant une tasse de «thé» préparé avec des herbes ramassées l'été dernier dans la toundra de Tchoukotka. Irina Grigorevna Gyrgolnevyt parle de sa langue, de son peuple, peu nombreux, les Tchouktches. Elle vient d'offrir à ses hôtes un repas hérité de ses ancêtres: de la peau de morse servie avec son lard, de la viande du même animal marin agrémentée d'orpin rose haché menu. Un délice tchouktche comme l'est le filet de renne cru et congelé débité en minces copeaux que l'on humecte dans une coupelle d'huile de phoque. A l'institut pédagogique d'Anadyr (capitale de la Tchoukotka, cette région la plus à l'est de la Russie, bordant le détroit de Béring), Gyrgolnevyt enseigne le tchouktche. Et comme Larissa et Zoia (1), elle fait partie de ceux qui ont fondé l'association indépendante Syvetkin Vetgav («notre parole»), visant à préserver et promouvoir la culture tchouktche sans les travers de la folklorisation. Et pourtant: «Nous disparaissons.»

Coriaces. La plainte est ancienne. Comme l'oppression, plus ou moins parée des oripeaux de la bienfaisance. Plus ou moins connue hors du pays: c'est si loin, la Tchoukotka. Dans les confins perdus de l'Extrême Nord, les Russes ont la partie belle: l'occupation s'est faite à pas étouffés par l'immensité glacée. L'administration russe y règne en maître, ayant su s'adjoindre quelques collaborateurs autochtones en guise d'alibi.

Les Tchouktches ont longtemps été les plus cori