En allant tourner pour la première fois aux Etats-Unis, en
l'occurrence à Los Angeles, on a le sentiment que Ken Loach s'approche plus qu'il ne l'avait jamais fait de la zone d'alerte de son cinéma. Parce que Hollywood est là, juché sur une colline, et qu'il suffirait après tout d'un sésame un peu malin pour que ses portes s'ouvrent à lui comme elles l'ont déjà fait récemment à son compatriote Danny Boyle. Mais il y a mieux, le grand capital à l'état pur presque enfin palpable puisque c'est bien ici, au pays du marché roi, qu'il s'élabore, s'affine et se fortifie tel un alambic enivrant et dévastateur. Dilemme: soit dilapider le fond de commerce working class hero et vendre son âme au diable, soit tenir le cap gauchiste, griffer le «star system», mordre encore la cuisse opulente des nantis en essayant quand même de ne pas se faire trop mal. Loach opte pour la seconde solution. Ce n'est pas une surprise mais pas non plus une raison suffisante pour trouver que le film n'a pas d'intérêt.
On sait qu'il y a chez le cinéaste anglais une forme d'opportunisme lassant, à voler au secours de causes entendues en dessinant toujours de la même façon la ligne de partage entre les bons et les méchants. Ces dernières années, son cinéma n'a ainsi cessé de gagner en efficacité mélodramatique ce qu'il perdait en pertinence critique. Dans Bread and Roses, Loach retrouve, peut-être par mégarde et davantage par le recul qu'octroie le déplacement géographique, une justesse de point de vue qui perme