Moufida Tlatli s'était fait bellement remarquée en 1994 avec les
Silences du palais qui, comme son titre symbolique le dit, entendait pénétrer quelques secrets de fond de la société tunisienne. Dans la Saison des hommes, la cinéaste rétrécit son point de vue sans réduire son ambition, cette «saison» n'étant pas tant celle des hommes que celle des femmes. Et plus précisément la vie de trois générations d'une même famille de l'île de Djerba qui sont comme un dégradé de lumières: la grand-mère sombre, une fameuse hamah («protectrice» selon la tradition) qui exerce sa dictature et ses frustrations sur ses brus; Aïcha, la belle-fille plus éclairée mais qui, par un étrange contrat de mariage avec Saïd, consent à ne pas voir son époux pendant les onze mois de l'année où il vaque à Tunis aux affaires de sa boutique de tapis; les filles d'Aïcha enfin, Meriem et Emna, jeunes lumières modernes qui paient le prix fort leur espoir d'émancipation: Meriem est toujours vierge six mois après son mariage et Emna déguste d'être la maîtresse très cachée de son professeur de violon. Sensualité. A l'instar des tapis que tisse Aïcha, la Saison des hommes entremêle les fils de souvenirs qui forment un motif parfois compliqué ou trop pittoresque mais toujours intrigant. Ainsi, si Moufida Tlatli rate nettement la vraisemblance des rapports sexuels entre ces belles femmes négligées et leurs hommes absents, elle récite en revanche la sensualité de ces femmes entre elles avec un vrai talent de conteuse.