Sans exagérer, il n'est pas certain que Les Destinées sentimentales
dure assez longtemps. Ce qui ne veut pas dire que ses trois heures ne soient pas juste ce qu'il faut. Mais tant qu'à être emporté par un fleuve, on aimerait qu'il ne trouve jamais son embouchure. D'autant qu'Olivier Assayas a inventé une manière tourbillonnaire pour retracer la longue saga éponyme de Jacques Chardonne.
Soit donc, de 1900 aux années 30, quelques membres remarquables de la famille Barney, un clan de protestants dont la fortune oscille entre le négoce du cognac en Charente et l'industrie de la porcelaine à Limoges. Pour singulariser son point de vue, Assayas s'est concentré sur le personnage de Jean Barney, que l'on découvre pasteur et mal marié mais qui va bientôt échanger sa vie en divorçant de Nathalie, en épousant Pauline et en devenant le chef de l'entreprise familiale de porcelaines. Autant dire que tout le poids de ce film immense repose sur les épaules de Charles Berling, qui incarne Jean Barney et qui soulève cette charge écrasante avec une grâce d'autant plus impressionnante qu'elle est toujours invisible. Mais les filles sont formidables aussi. Isabelle Huppert est Nathalie: petit rôle mais grande dame, au-delà de l'excellence dans sa figuration d'une femme gâchée. Emmanuelle Béart est Pauline: «Mon dernier rôle de jeune première», dit-elle dans le dossier de presse, mais certainement pas son dernier emploi. C'est tout le bonheur qu'on lui souhaite, tant sa fulgurance est ici infinie