Il n'aura pas fallu trois ans à Marcello Alvarez pour s'imposer au
public français. Edgardo envoûtant dans un Lucia di Lammermoor monté à Toulouse, Alfredo fédérateur dans la Traviata de Bastille et d'Orange, c'est confiant que le ténor argentin aborde le rôle du duc de Mantoue dans la reprise du Rigoletto monté par Savary à Bastille. Une production discutable, mais une distribution de choc, avec Ruth Ann Swenson (Gilda), Elena Zaremba (Maddalena), Nicolas Testé (le comte de Ceprano) et Juan Pons dans le rôle-titre. Alvarez sait éviter les clichés du «ténor lyrique». La voix est solide, mais le phrasé, réfléchi et sensible. Tout chez lui témoigne d'ailleurs d'un grand goût. Le timbre cuivré, la virilité ardente, le style engagé n'excluent pas le respect de la dynamique, l'articulation raffinée, un souffle égal, garant de pianissimi et smorzandi impeccables. Né en 1962 à Cordoba (Argentine), Marcello Alvarez ne vient au chant que sur le tard. Jusqu'à trente ans, il ne connaît guère de l'opéra que les «compiles» de Pavarotti ou Domingo. Encouragé par Giuseppe di Stefano, Alvarez passe pourtant rapidement des zarzuelas de Buenos Aires à la Scala, où sa voix légère mais riche en harmoniques, son aigu franc, son beau legato dénué de toute emphase font mouche dans le répertoire du bel canto romantique. Il fait partie de cette nouvelle génération d'interprètes amoureux d'une époque révolue, qu'ils font revivre avec une vaillance naturelle et un art consommé des demi-teintes. On l