Nagisa Oshima n'avait pas sorti de film depuis Max mon amour en 1986, soit quatorze ans dans les limbes, une grave attaque cérébrale et un pied dans la tombe, à moins de 70 ans. Les vétérans se souviennent de son passage cannois avec le gigantesque Furyo aux côtés d'un David Bowie éclatant, qui déclarait alors qu'il avait tourné avec lui «parce que c'est le cinéaste le mieux habillé du monde». On ne voit pas de meilleure raison, en effet, et il suffit de croiser aujourd'hui le cinéaste japonais véhiculé en chaise roulante pour s'apercevoir qu'il n'a en rien perdu de sa superbe: visage de marbre, main lasse d'aristocrate, oeil d'aigle. Tabou (1) est donc un événement en soi, même s'il n'est pas parti pour faire autant de barouf que le dernier Kubrick, par exemple. Le rapprochement n'est pas fortuit: il s'agit dans l'un et l'autre cas de films de vieillard au style antidaté, deux singes à qui personne ne peut apprendre à faire la grimace, rompus à tous les exercices formels, à tous les méandres du coeur humain, et qui, remâchant leurs obsessions dans le silence palatial de leur cerveau démeublé, lâchent sur la foule qui n'y comprend rien deux austères et menaçantes imprécations sur le sexe et la mort. Minimum d'effets. Tabou se déroule à Kyoto en 1865 dans les rangs du Shinsengumi, une milice de jeunes samouraïs chargée de protéger le shogun. Historiquement, le shogunat vit ses dernières heures, un climat de légère décadence plane sur le pays et ses valeurs ancestrales. Le fil
Critique
Tabou», sur le fil sabre.
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par Didier Péron
publié le 17 mai 2000 à 1h12
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