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Libération
Critique

53e Festival international du film.Sélection officielle. La souffrance de quelques êtres et leur deuil impossible en noir et blanc. Une expérience radicale du Japonais Aoyama Shinji. «Eureka», après l'absence. Eureka (Japon) de Aoyama Shinji avec Yakusho Koji, Miyazaki Aoi, Miyazaki Masaru. 3 h 37.

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publié le 19 mai 2000 à 1h06

Hier matin, 9 heures, les festivaliers, légèrement zombifiés dans la

dernière ligne droite, s'apprêtent à s'immerger pendant 3 h 37 dans le liquide amniotique et assourdi d'Eureka d'Aoyama Shinji. Cette projection sera la seule, la direction du festival ayant sans doute évalué à la fois la longueur exceptionnelle du film et son faible pouvoir d'attraction et de glamour. Du coup, l'équipe est là, passée directement du pyjama au smoking, Gilles Jacob aussi, on monte les marches devant à peine trois photographes. Pour le prestige, il faudra repasser.

Cet effet de déconfiture, qui a de quoi serrer le coeur, n'aide pas à évaluer l'importance du film qui a l'air d'avoir été puni pour une faute qu'il n'a pas commise. Mais ce point d'étiquette un rien vexant ne doit pas rejaillir défavorablement sur le film lui-même, exactement le genre de coup de chaud auteuriste qui ne peut venir que d'un Japon artistiquement dopé par la crise asiatique.

Errances. Quelques titres et noms pour s'en convaincre: Suzaku de Naomi Kawase (Caméra d'or 1997), M/Other de Nobuhiro Suwa, After life de Hirokazu Kore-Eda, l'oeuvre de Kiyoshi Kurosawa (Cure, Charisma), etc. Il n'est pas sûr que le système de production français, aussi persuadé soit-il de protéger en son sein le sel de la créativité, serait encore capable de produire des objets aussi radicaux, en particulier dans leur volonté d'étirer la durée jusqu'à la désintégration de notre horloge interne.

Eureka, à cet égard, est un monument bergsonien, un sab