Deux des plus récentes pièces du Britannique Edward Bond sont à l'affiche: à Paris, Alain Françon met en scène Café, tandis qu'à Lille, Stuart Seide présente Auprès de la mer intérieure (1). A cause de sa longueur et de ce qu'elle évoque (le massacre de plusieurs dizaines de milliers de juifs ukrainiens à Babi Yar en août 1941), Café est une pièce d'une autre ampleur qu'Auprès de la mer intérieure. Mais toutes deux participent du théâtre tragique de Bond, où le quotidien télescope l'Histoire. Dans les deux cas, un jeune homme se retrouve violemment confronté à la guerre, qui le happe comme un cauchemar; tandis que les gestes les plus banals (une chope de thé et une tasse de café renversées) occupent une place centrale.
«La grande fosse». Dans Café, le jeune Nold suit Gregory dans une forêt où ils rencontrent une mère et sa fille qui, affamées, se terrent dans un trou. Il se retrouvera ensuite enrôlé dans un commando de la mort dont le «jeu» consiste à exterminer, depuis le sommet d'une falaise, des groupes de civils massés dans le ravin.
Sur la scène de la Colline, le scénographe Jacques Gabel a conçu une implacable toile peinte, labyrinthe de troncs noirs, puis un plancher en dévers au-dessus de ce que l'on ne voit pas et que Bond appelle «la grande fosse». Alain Françon, qui a déjà présenté en français les Pièces de guerre du même Bond, retrouve un monde terrible et familier, où tout n'est que dévastation. Sa mise en scène est tendue, d'un jet, comme une musique qui n