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Libération
Critique

La croix et la Bavière. Depuis le XVIIe siècle, le village d'Oberammergau s'évertue à célébrer tous les dix ans la passion du Christ.

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publié le 29 mai 2000 à 0h46

Oberammergau, envoyée spéciale.

En montant à Oberammergau, petit village des Alpes bavaroises, tout au sud de l'Allemagne, on ne voit d'abord que le décor habituel, les étendards bleus et blancs des tavernes à bière, les angelots peints sur les maisons, ou les hôtels qui tendent leurs balcons débordant de géraniums. L'impression d'étrangeté ne s'installe que lentement, après le deuxième ou troisième policier hirsute croisé dans la rue. Depuis le mercredi des Cendres de l'an dernier (17 février 1999), une bonne moitié des 5 300 habitants ne se coupe plus ni barbe ni cheveux: ils s'imaginent à Jérusalem, au temps du Christ.

La chronique locale veut qu'en 1633, frappés par une épidémie de peste, les villageois aient fait voeu de représenter tous les dix ans la Passion: la condamnation, la crucifixion et la résurrection de Jésus. A l'époque, des centaines de villages dans toute la région faisaient de même, jusqu'à ce que l'Eglise, en 1770, interdise ce douteux mélange de théâtre et de religion. Particulièrement pugnaces et fidèles à leur serment, les villageois d'Oberammergau sont parmi les rares à avoir maintenu malgré tout leur Passion, revue et adaptée au fil du temps. Dans les années 1930, les nazis, qui se méfiaient pourtant de tout culte concurrent, y découvrirent un spectacle de propagande très à leur goût pour illustrer le «danger juif», responsable de la mort du Christ. Hitler y assista deux fois, en 1930 et 1934, et se félicita de la version de l'époque: Pilate «apparaît