«Ma pauvre petite chérie" Tu es une brave fille, au fond!» L'unique
fois où Anne Villacèque donne à entendre son Petite Chérie de titre, le film est déjà entamé de partout depuis une heure. Et l'on ne sait plus si on doit rire ou pleurer devant cette vacherie, une de plus à mettre au compte d'un opus qui en balance déjà beaucoup. Sibylle encaisse les mesquineries de Victor sans broncher, gravissant d'un cran dans l'horreur anodine. Son rêve de prince charmant et de croisière au champagne se saborde doucement. Quelque chose de glacial et de gris ronge l'opacité de son regard. On ne sait absolument pas jusqu'où le film est capable de nous emmener. C'est là tout le mystère de sa progression: ne jamais reculer devant la méchanceté du monde, poser les choses comme cruelles par essence. Ne rien faire pour les adoucir, ne pas décevoir le cafard ambiant, se mettre au niveau de l'ennui. Se précipiter dans le vide.
Vies pavillonnaires. Sibylle est une rêveuse, engoncée dans un corps vierge mal préparé à la normalité des vies pavillonnaires. A trente-deux ans, elle vit chez ses parents dans une maison de maçon avec jardinet. Seule adresse connue: allée Uniforme, bloc Déprime. Son trajet jusqu'à la banque où elle travaille lui laisse tout le loisir de lire des romances. Dans le train du retour, elle se nourrit d'amour et d'eau de rose. Un soir, elle rencontre Victor, un matamore, un ténébreux, un Corto Maltese des lignes régionales. Psychopathe triste, il est fauché comme les blés, espè