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Libération
Critique

Portrait en creux d'un pays du bout et du haut du monde. Le Pamir, hors champ. Le Pont du trieur de Charles de Meaux et Philippe Parreno.

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publié le 31 mai 2000 à 0h43

Ne quittant jamais le sommet du crâne, le bonnet de laine surplombe

le visage émacié et mal rasé de Mirgol. Inséparables. Comme le sont plus encore Mirgol et sa monture, un coriace camion Zil 130, chef-d'oeuvre de robustesse soviétique. Deux ou trois places à l'avant, une benne à l'arrière. Cette dernière est vide au départ de Khorog. Avec quoi pourrait-on la remplir? Il n'y a rien ou presque que l'on exporte du Pamir, cet arrière-pays du Tadjikistan, hormis la drogue venue de l'autre côté de la rivière Pjiang tenant lieu de frontière ­ perméable ­ avec l'Afghanistan.

Capitale du Gorno-Badakhchan, pour être «la» ville du Pamir, Khorog n'en est pas moins qu'une bourgade campagnarde, charmante mais ruinée par les bouleversements du temps (éclatement de l'URSS, guerre civile, économie de marché). Un ressac qui souffre doucement, avec sa rue Lénine vaguement commerçante, son jardin botanique décati mais haut perché, sa poignée de vieux immeubles khrouchtchéviens ­ une des traces de l'occupation russe ­, ses maisons pamiris à l'architecture inchangée depuis des siècles semblant enfler le sol guère fertile, ses musiciens.

C'est de Khorog que part la route la plus haute et la plus folle du monde. Elle traverse de part en part la chaîne du Pamir. Louvoie, à plus de 4 000 mètres d'altitude, parmi les sommets les plus hauts de l'ex-Union soviétique (le pic du Communisme, 7 495 mètres, aujourd'hui débaptisé), atteint Och, en Kirghizie, au terme d'un incroyable périple. C'est à Och que l'