Paris se réveille à l'heure gitane. La semaine dernière, Belén Maya, ses danseuses, ses musiciens et ses chanteurs proposaient l'héritage, Adir, de son père Mario Maya. Aujourd'hui, Eva, dite «la Yerbabuena», reprend le flambeau en solo avec ses propres musiciens et chanteurs. Resucée de folklore? Renaissance d'un genre figé? La question n'est pas là. Elle trouve plutôt sa réponse dans le contexte actuel de la danse, écartelée entre préservation du patrimoine et émergence d'un nouveau corps encore en gestation. Le flamenco rappelle opportunément ce que danser veut dire. Danser en deçà de la chorégraphie. Poser l'hypothèse d'un corps à l'instant précis où il est saisi par la danse. La danseuse flamenca entre en danse comme on entre en transe et pourtant cela n'est pas la même chose.
Hystérie contrôlée. La transe exige une dépersonnalisation du sujet par un phénomène voisin de celui provoqué par l'hypnose. Avec le flamenco, le sujet ne s'absente pas à lui-même, mais s'offre tout entier à la possession de la danse. Son vocabulaire est rigoureusement codifié pour éviter que la danse accueillie pulvérise son réceptacle (le corps de la flamenca). Le flamenco, c'est de l'hystérie sous contrôle. Ce qui fait la différence entre Belén Maya et la Yerbabuena ne relève pas de la virtuosité. Il ne s'agit pas d'aller le plus vite possible, de réussir une prouesse gestuelle. Il faut s'ouvrir à la danse, s'y abandonner et faire en sorte de sortir à peu près indemne de ces furieuses épousaille