Présenté au sein de l'exposition "Voilà" dans des conditions guère adaptées à la projection - un rideau noir n'entravant ni la lumière, ni les bruits (1) -, Comédie, le film réalisé il y a plus de trente ans (1966) par Samuel Beckett et Marin Karmitz, est néanmoins une petite bombe d'étonnements: un exercice de déconstruction sonore et visuelle qu'évoque le producteur Marin Karmitz.
Comment Beckett et vous en êtes-vous venus à faire "Comédie"?
Le contexte est celui des années 60. J'étais jeune cinéaste, obsédé par ce qui tournait autour du langage, en particulier tel qu'il était utilisé dans le Nouveau Roman. La question était de savoir si on pouvait aller dans le cinéma jusqu'à l'écran noir, question qui se posait également en peinture à la même époque. J'avais réalisé un court métrage avec Marguerite Duras et lu Comédie de Beckett avec éblouissement. J'ai contacté Jérôme Lindon, son éditeur, pour acheter les droits. Beckett n'avait pas du tout envie qu'on adapte ses textes au cinéma, mais il a finalement donné son accord pour qu'on fasse un film ensemble.
Comment avez-vous procédé?
En deux étapes. D'abord, il y a eu le travail avec les acteurs, Delphine Seyrig, Michael Lonsdale et Eleanor Hirt, pour enregistrer le texte. J'ai supprimé tous les temps morts, en coupant les espaces entre les mots. Mais le flux verbal obtenu n'était pas encore assez rapide pour Beckett. On a donc été chercher une machine, qui avait été mise au point au département de recherches de l'ORTF, chez Pie