Kingston envoyée spéciale
Le festival reggae à Bercy programme cette année, parallèlement aux chanteurs de la grande époque, plusieurs artistes de dance-hall (lire ci-contre). Le décalage entre le reggae "plaintif" des années 70 ("wailer") et les aboiements hargneux de la nouvelle génération correspond à la montée, en Jamaïque, d'une culture de la violence aux effets terrifiants: le pays a enregistré près de 800 morts brutales en un an, dont 200 des mains de la police. Est-ce la faute des chanteurs, comme le prétendent certains? Evidemment non, même si leurs voix menaçantes semblent parfois se faire l'écho de la maxime de Marcus Garvey: "La force est le seul argument qui satisfasse l'homme."
Chaque soir, un hélicoptère promène sur la ville le pinceau de son projecteur et les collines réverbèrent le son des armes automatiques. A la une des journaux, ce ne sont que policiers abattus dans des embuscades, avocate égorgée au bureau, profs descendus à la sortie du collège... Le pays n'avait pas connu un tel déchaînement de violence depuis 1980. La situation est-elle comparable? Difficilement. A l'époque, on pouvait montrer du doigt une opposition prête à tout pour reconquérir le pouvoir, avec l'appui d'une CIA dont on a su depuis qu'elle avait systématiquement utilisé le trafic de drogues dans le financement des contre-révolutions. Aujourd'hui, le problème est autre. Le gouvernement a réussi à redresser la barre dans certains domaines (transports, éducation...), mais le pays est pro