Menu
Libération
Critique

Patrice et son esprit

Article réservé aux abonnés
Son premier album impose l'Allemand-Sierra-Léonais.
publié le 1er juillet 2000 à 2h43

Ne pas s'arrêter à l'évidence du talent. Ne pas s'attendrir devant la gueule d'ange. Tandis que Patrice Babatunde Bart-Williams marche à vos côtés, votre propre défiance vous fait sourire: qui a peur d'un gamin de 20 ans? Pourtant, quelque chose en lui met mal à l'aise: tant de jeunesse alliée à tant de sophistication... "Tu n'as pas lu mon histoire?", demande, un peu hésitant, le chanteur. "Je suis né le jour de la mort de mon grand-père, aussi on m'a appelé Babatunde, "le retour du Vieux" en haoussa. C'est pour ça que l'album s'appelle Ancient Spirit: les gens chez moi pensent que j'ai une vieille âme..."

Gosse et marabout. Qui est-on en train d'interviewer? Un vieil Africain pétri de valeurs traditionnelles, contemporain de Nkrumah, ou un séducteur de collégiennes? C'est parfois le gosse qui se manifeste, fatigué du voyage Paris-Hambourg et un peu énervé de découvrir que "dans ce boulot, il y a des tas de choses pour lesquelles on n'est pas payé, la promo par exemple". On évalue la silhouette; le succès paraît bien lourd pour ces épaules fil de fer, sans parler de l'entretien d'un groupe de musiciens jamaïquains en Allemagne, avec les inévitables problèmes de logement, de salaires, de papiers... Mais l'instant d'après, le fragile Patrice s'efface et c'est le vieux marabout Babatunde qui parle et s'impatiente, mettant le corps du jeune homme sous une tension presque palpable. Alors, Patrice assume l'ambition de l'Ancien, comme au temps où il lui fallut, pour convaincre sa m