Créé ce printemps à Amsterdam (Libération du 30 mars), Triptyk, spectacle en trois parties sur des musiques de Stravinski et de Boulez, est encore plus radical qu'Eclipse, la précédente création de Zingaro. Bartabas, le maître d'oeuvre, y confirme un étonnant sens de la douceur et de l'ellipse. Il va jusqu'à remplacer, au coeur de son spectacle, les chevaux de chair par des chevaux de résine, et n'apparaît lui-même qu'à la toute fin, de façon fugitive. Retour sur une évolution esthétique.
Vos premiers spectacles jouaient volontiers sur la provocation, la violence, un certain folklore macho. Quand on voit "Eclipse", et maintenant "Triptyk", c'est presque l'inverse.
Avec le cirque Aligre, nous allions très loin dans l'agressivité. On en avait marre du cirque pour bambins sages, on cherchait le conflit. Je crachais sur les gens, mais le jour où c'est devenu une attraction, ça ne m'intéressait plus. Au départ de Zingaro, la structure était évidente : un cabaret tzigane qui fonctionnait sur les oppositions, par exemple entre grands et petits chevaux. C'était assez grossier. Nous avons fait trois cabarets avec des contenus très différents, mais quand je me suis aperçu que les gens disaient : "ah oui, Zingaro, c'est là où on boit du vin chaud", j'ai compris qu'il n'y avait pas trente-six possibilités. Ou on devenait le Lido et on ouvrait des succursales à Las Vegas, ou on allait plus loin. Aujourd'hui, nous travaillons sur des différences beaucoup plus fines.
Avez-vous peur que les spectateurs ne suivent pas ?
Si on avait fait Triptyk il y a quinze ans, on serait passé à côté du public. J'avais un vague pressentiment qu'un jour ce serait possible. Bien sûr, certains seront surpris, mais je crois qu'on n'est pa