L'événement se produit aux deux tiers du spectacle sous la forme du récit d'un faits-divers. C'est le premier, et le seul, épisode presque réaliste de la pièce. Il y est question du suicide, le 13 septembre 1959, "route de Piogre à Piogre", d'un certain Monsieur Meynand, mari de la propriétaire, qui se trancha la gorge avec un rasoir à l'heure où deux étages plus bas, un enfant - l'auteur?-mangeait un yaourt. Se pourrait-il qu'au milieu de son flot continu de paroles énigmatiques, Valère Novarina nous offre soudain un beau traumatisme explicatif, la blessure originelle de sa logorrhée? Que l'Origine rouge, titre de sa nouvelle pièce, soit cela: le sang du suicidé dégoulinant dans l'escalier, ce qui obligea le grand-père, nous dit-il, à étaler de la sciure pour éponger?
Généalogie. Fausse piste. Il est plus probable que cette histoire, et toutes celles de têtes et de corps tranchés qui parsèment la pièce, renvoient tout simplement à la naissance. D'ailleurs, l'Origine rouge commence par l'énumération, en latin, de la généalogie de l'homme - ou de ce qu'on en sait -, du purgatorius ceratops à l'homo sapiens sapiens en passant par le parapithecus grangeri, le gigantopithecus bilaspurensis ou le pithecanthropus robustus (1). Elle s'achève par une longue chorégraphie verbale autour du temps -"Chroniquons-le!", "Tuons-le!", "Mourons-y!" et par le déploiement d'une banderole tenue par tous les protagonistes: "Le temps nous tue par amour." De tout cela on déduira que l'Origine rouge