Y a-t-il, comme pour la coupe du jean ou les destinations vacances, des modes en cinéphilie? Modes du cinéma turc, africain, asiatique, iranien, portugais, issues des hasards de la production et de la distribution mais aussi d'un irrationnel du goût contracté collectivement pour telle ou telle provenance géographique des images, tombant en désuétude du jour au lendemain. Cette question est vaguement déplaisante parce qu'elle ne mise pas lourd sur les films eux-mêmes mais on peut quand même se la poser, par exemple en se plantant, tous sourcils froncés, devant Trop tard de José Nascimento.
Le film est l'histoire d'un naufrage sur le Tage, quatre pêcheurs par grand froid et nuit épaisse. L'image est belle, et contrairement au tiède jacuzzi mexicain de Titanic, les acteurs ont vraiment l'air de se les geler dans la flotte, sous la pluie d'un hiver lisboète. Naturalisme stylisé, chorégraphie de l'effort, paysagisme austère, allégorie post-tarkovskienne, on peut ranger Trop tard dans différentes cases et le film oblige à changer de grille de lecture en cours de route.
On croit d'abord à une métaphore stricte de la condition humaine comme errance fluviale, eau à mi-cuisse, mort dans la boue, mais le contrechamp de la terre où la famille pleure et s'active à la rescousse des naufragés, nous déplace vers une narration plus linéaire et concrète, un simple fait-divers. On ne sait d'ailleurs si cette substitution du physique au métaphysique joue pour ou contre le film, du moins le rend-i