Trente-quatre ans après qu'un mitron illuminé, fanatique de jazz, eut décidé de monter un festival dans sa localité d'origine, histoire de relancer l'activité touristique de celle-ci (les mauvaises langues prétendent, elles, que Claude Nobs a fondé le Montreux Jazz Festival uniquement pour pouvoir jouer de l'harmonica, au rappel, avec les plus célèbres musiciens américains), le prestigieux rassemblement lémanique, connu désormais dans le monde entier, est victime d'une curieuse charge médiatique locale. Qui aurait pu imaginer, en effet, qu'au pays de la tartiflette et du schüblig, la presse s'en prendrait un jour, avec virulence, à cette espèce de vitrine institutionnelle que constitue le festival de Montreux? En des termes assez déroutants, qui plus est, puisque le reproche majeur adressé à son créateur se résume à un: «Mais qu'est donc devenu le jazz dans cette affaire?»
Débat dépassé. Depuis de nombreuses années, en dépit de son intitulé, le Montreux Jazz Festival ne consacre plus qu'un dixième de sa programmation à la musique dite de «jazz». Pour le reste, une large place étant accordée au rock, au blues, au funk, aux rythmes brésiliens, africains, voire aux variétés. Argument de l'organisateur: «Remplir une salle de la capacité de l'auditorium Stravinski nécessite la présence de noms connus. Or, en matière de jazz, les locomotives ont disparu. Nous sommes donc contraints d'appliquer parfois une politique plus commerciale qui, en contrepartie, nous permet de présenter des