Agusti Villaronga, né à Majorque en 1953, traîne dans le cinéma espagnol une réputation d'auteur maudit. Ses films sulfureux se sont souvent contentés d'une diffusion confidentielle, dans son pays et plus encore à l'étranger. D'où le culte qui entoure Tras el Cristal (derrière la vitre), sa première oeuvre. Cette histoire de criminel nazi pédophile enfermé dans un poumon d'acier et soigné par un jeune infirmier, qui n'est autre qu'une de ses anciennes victimes, avait commotionné le festival de Berlin en 1986. Le sujet lui a probablement fermé les portes d'une exploitation internationale.
Deux ans plus tard, l'ambitieux l'Enfant de la Lune est sélectionné à Cannes, où il passe inaperçu. Le film est visuellement superbe, mais creux et à peu près incompréhensible (un mouflet blond télépathe a été élu messie d'une tribu africaine). La musique est signée Dead Can Dance et Lisa Gerrard, la chanteuse du duo éthéré, tient l'un des rôles principaux. Son échec commercial condamne Villaronga à un long purgatoire, pendant lequel il se consacre à la publicité. Il revient par la petite porte avec deux commandes: en 1996, un excellent épisode de la série Simenon produite par Arte (le Passager clandestin, avec Bruno Todeschini), et l'année suivante, le thriller 99.9. Sa crédibilité retrouvée lui permet de mettre en route un projet sur lequel il travaille depuis dix ans: l'adaptation d'El Mar, un roman de Blai Bonet écrit en majorquin et publié en 1958. Longtemps enlisé, le film voit enfin le