Boechout (Belgique)
envoyé spécial
L'homme porte un costume léger, couleur crème, sur une chemise noire au col relevé. Il a l'élégance d'un vieil oncle de province endimanché. Il est midi, le public commence à arriver sur la grande prairie qui accueille à Boechout, dans la banlieue d'Anvers, la 25e édition du Sfinks, le plus ancien et sans doute le meilleur festival européen de musiques du monde. Le terrain est détrempé, il a plu dans la matinée et le ciel est un tapis de nuages grisâtre et menaçant. L'homme scrute la scène vide et sourit, visiblement heureux. Une heure plus tard, il est sur la grande scène. Iljiaz Delic est le chanteur du groupe bosniaque Mostar Sevdah Reunion. Après avoir lissé son toupet d'un coup de peigne adroit, il s'approche du micro et attaque une goualante à fendre le coeur. Sa gestuelle trahit le vieux routier, mais la voix transmet une émotion peu commune. Accompagné par un ensemble où se distingue l'accordéoniste Mustafa Santic, il interprète le répertoire sevdah, style propre à Mostar, de lointaine origine ottomane et qui a incorporé des éléments tsiganes ou juifs. Il est peu courant qu'une musique, qu'un interprète remuent les tripes de l'auditeur à ce point.
Histoire douloureuse. Mostar Sevdah n'est pas une totale découverte: leur premier album, publié par le label hollandais World Connection (distribué en France par Night & Day), a reçu un excellent accueil. Derrière, il y a une histoire douloureuse que retrace le jeune producteur Dragi Sestic.