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Libération
Critique

«Troyens» royaux

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Le rare et monumental opéra de Berlioz au festival de Salzbourg.
publié le 3 août 2000 à 3h11

Avec sa plus grande ouverture de scène de la planète, son acoustique de rêve, sa visibilité parfaite et l'assurance d'entendre l'orchestre philharmonique de Vienne dans la fosse et les plus belles voix sur scène, le festival de Salzbourg ramène régulièrement l'opéra à la dimension héroïque qui est sa seule justification. Avec les Troyens de Berlioz, monopolisant un effectif orchestral et choral colossal, Gérard Mortier a choisi d'offrir une oeuvre rarement montée et d'ouvrir le Festival, non pas avec les sacro-saints Wiener Philharmoniker, mais avec l'Orchestre de Paris ­ dont c'est la première participation à la manifestation depuis sa création.

Poème de sang. A la mise en scène, aux décors, costumes et lumières, Herbert Wernicke, dont les derniers Fidelio ou Don Carlo ont pu paraître de grandes machines systématiques, mais qui sait utiliser à plein régime l'immensité du plateau. Le dispositif, très «contemporain», est connu: un mur de scène ovale, fendu en son centre, laissant entrevoir le monde hors-champ. Wernicke n'est pas le plus fin des dramaturges, mais il soigne les effets comme au bon vieux temps de Pier Luigi Pizzi. Dans cet espace de crépi blanc aveuglant, Troyens et Carthaginois vêtus de noir se distinguent par leurs gants: rouges pour les premiers, bleus pour les seconds.

Wernicke schématise par des cadres de lumière de même couleur, mais sait aussi passer du poème de sang aux flots argent, captés de l'aube à la nuit étoilée, évoquant par sa science des dégradés