Quand il est arrivé, la vieille sarclait un rang de poivrons. Sa blouse de Nylon imprimé ondulait dans l'air brûlant refoulé par la plaine, là-bas, ses bras nus balançaient régulièrement la bigoche qui égratignait la terre, et ses vieilles chevilles sèches disparaissaient dans des sabots de caoutchouc noir. Enfant, il croyait qu'ils provenaient de vieilles bottes qu'elle aurait découpées, demeurant perplexe sur l'usage possible de la partie manquante. Après toutes ces années, c'est ce souvenir qui jaillit lorsqu'il découvrit sa grand-mère. Puis d'autres déboulèrent, l'odeur de la terre, et il fut emporté dans un monde oublié depuis qu'il avait quitté l'île.
T'as une jolie voiture.
Il sursauta. Silencieuse, elle s'était approchée de lui. Elle se tenait debout, en haut du muret qui retenait sa terre. Il avait dû rester longtemps l'âme dans le vague et les yeux sur l'horizon, car une auréole sombre cernait maintenant le pied de chaque plante.
Il réalisa qu'elle avait dû remarquer son auto dans les lacets de la route, le voir approcher, le reconnaître.
Presque vingt ans... Et tu me parles de voiture...
Sa voix sonna faux. Un instant, son accent lui parut déplacé, pointu, ridicule.
Elle avait continué son chemin vers la maison et l'attendit sur la pierre du seuil.
Laisse-moi t'embrasser, une fois, avant que tu parles...
Elle était moite, et l'odeur de sa sueur lui souleva le coeur.
Dans la pénombre de la cuisine, il avait tourné autour du pot avant d'en venir au fait. Ensuite, il av