Venise envoyé spécial
Dans la section parallèle Cinéma du présent, le nouveau film de Robert Guédiguian tâche de remplir rigoureusement le programme de son intitulé. La Ville est tranquille propose la vue en coupe d'une cité, Marseille, atteinte de tous les maux contemporains. Mais le cinéaste emprunte une forme galvaudée: celle du film stéréophonique, entrelaçant les destins individuels selon le principe de l'échantillonnage. Chaque personnage porte donc sa croix, son problème sociétal: une mère (Ariane Ascaride) doit faire face à la toxicomanie de sa fille (l'excellente Julie-Marie Parmentier), un chauffeur de taxi perd sa licence pour avoir grugé des touristes japonais, un jeune Noir sorti de prison est abattu par un colleur d'affiches FN...
Noirceur et sensiblerie. On ne peut pas reprocher à Guédiguian d'emprunter cette forme fragmentée par simple facilité. Elle correspond chez lui à un discours très articulé, fondé sur le constat amer de la disparition du sentiment de classe prolétarien. Rongé par la misère, la dérive FN, l'absence de travail, le monde ouvrier aurait liquidé l'utopie du collectif. La fiction multipiste serait donc la plus à même de décrire un monde défait par l'individualisme. Le film est d'une noirceur totale. Aucune virtualité de réconciliation ne vient éclairer ces itinéraires particuliers. Et la lueur d'espoir de la dernière scène, avec son jeune pianiste jouant du fond des quartiers la Lettre à Elise, paraît complètement bidon (le film basculant subi