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Libération
Critique

Sarfati, l'empreinte russe

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Le premier livre de la photographe restitue sobrement le chaos post-soviétique.
publié le 4 septembre 2000 à 3h58

Une masse sale de terre noire semée de détritus: bloc de ciment effrité enserrant des cailloux, tôle écornée, mikado de planches, bout de tube gondolé, souches. Au fond, cernant cette masse, trois façades d'un immeuble d'habitation aux murs gris-vert, hormis le cadre rose recouvrant l'architecture imposante (vaguement stalinienne), des portes en bois dont la peinture ocre est en partie rongée. Au centre de l'image se détache, en gris clair, un carré de béton (construction abandonnée ou ruinée depuis longtemps) sur lequel, en lettres capitales bleues sont écrits, en russe, quelques mots. Plusieurs ont été raturés, mais non les premières lettres du dernier que l'on devine: «pidari» (pédés).

C'est sur cette scène, ce saisissement, que s'ouvre le livre de la photographe de l'agence Magnum Lise Sarfati, Acta est. Son premier livre. Un montage de 46 photographies rapportées de Russie ex-soviétique, ce pays dont elle parle la langue et où ses pas, chaque année, la ramènent depuis dix ans. Quarante-six scènes (toute une histoire) qui photographient calmement et amoureusement quelque chose comme l'intérieur du crâne de la Russie d'aujourd'hui, veinée par son passé soviétique.

Mystère. Amateurs de cadrages casse-cou(illes), de sujets juteux, d'accroches, passez votre chemin. Loin d'être une photographe de guerre, Lise Sarfati est souvent une photographe du guère. En paraphrasant Jean Paulhan, disons que ses photographies gagnent à être regardées longuement (et on imagine que la photogra