Par quelque bout qu’on le prenne, Aïe est une surprise. Une sorte de giboulée tourneboulante, fraîche et inattendue, comique surtout, qui nous prend à revers façon judoka. Le premier film de Sophie Fillières, Grande Petite, avait de quoi laisser perplexe : son scénario désagréablement malin s’égarait en abstractions gigognes, et un manque probable de maturité artistique entravait son propos. Seule la surface psy et branchée du projet théorique apparaissait, laissant dans l’ombre ce qui forme sans doute le meilleur talent de la cinéaste, sa cocasserie. Sept ans de réflexion plus tard, Aïe vient apporter un rectificatif à cette mauvaise impression : insolite et harmonieux à la fois, il comptera sans doute comme le vrai lever de rideau sur une nouvelle venue (et bienvenue) au pays prolifique du cinéma français.
Patinage baroque. Bien sûr, Aïe est exaspérant, mais l'exaspération est clairement son sujet. Sujet : Aïe, justement, puisque l'onomatopée favorite de la douleur est aussi le nom du personnage féminin et principal de ce que l'on pourrait définir à la fois comme une comédie schizo, un ballet sentimental burlesque, un patinage baroque sur la glace des solitudes contemporaines. Le rôle-titre d'Aïe est tenu par la propre soeur de la cinéaste, Hélène Fillières, qui joue là une sorte de va-tout artistique et personnel, de grand plongeon absolu, comme il est très rarement donné d'en voir au cinéma. Il ne s'agit pas du tout d'un grand numéro de surenchère hystérique, mais au cont