L'atelier veille une rue calme du XVIIe arrondissement de Paris. Une immense verrière éclaire un entrelacs de lianes, deux loggias tapissées de livres et de photos archivées, un Pleyel 1910 «pour que mes enfants jouent, ce que je n'ai jamais su faire» , un vase tulipe Art nouveau, une lampe Tiffany nénuphar, des tableaux, Seins voguant dans l'azur de Charles Matton, une litho de Schiele. Une chatte se blottit au soleil à côté de Jeanloup Sieff. Presque un demi-siècle que l'amoureux des lumières de la vallée de la Mort et des fantômes capucins des catacombes palermitaines («retrouvailles assumées avec l'enfant nostalgique dont je puis sublimer les angoisses passées»), des torses nus et des derrières («la partie du corps la plus émouvante») a débuté à Elle, d'abord comme reporter, puis comme photographe de mode «plus attiré par les filles que par les vêtements».
Né à Paris le 30 novembre 1933 dans une famille d'origine polonaise («Il me reste le goût définitif de la cannelle, des danseuses des Carpates et des blondes aux yeux bleus»), Sieff perd son père à 3 ans. Enfance solitaire, études au collège Chaptal, un Photax de plastique noir offert pour ses 14 ans, hésitation entre cinéma et photo. Il publie à 17 ans pour la première fois dans Photo-Revue, «un lac automnal nimbé de brume», fait l'école Vaugirard en 1953, étudie un an à Vevey, en Suisse. L'été 1955, il est engagé par Elle. Il rejoint en 1958 l'agence Magnum pour quelques mois, collabore au Jardin des modes, à Harpe