Le Péché de Paul est un tableau inouï. Non par le traitement pictural des touches très espacées, faisant comme des traînées apparentes sur le fond écru de la toile. Ni par le cadrage du modèle, qui, penché vers l'intérieur de la toile, le cou rentré dans les épaules, regarde le peintre. C'est plutôt le sujet de la représentation qui intrigue, et le titre participe du questionnement: le Péché de Paul serait un travesti. Avec ses larges pommettes, l'ironie de son sourire sur rouge à lèvres débordant, ce «transgenre» de 1895 est une figuration stupéfiante.
Quinze inédits. Tel est le genre de surprises que réserve l'exposition Vuillard à Saint-Tropez. Elle occupe le rez-de-chaussée entier (deux salles) du musée, lui-même une incongruité dans le désert culturel absolu de la capitale de la tarte et des sandales, laquelle ne possède même plus une librairie. Jean-Paul Monery, conservateur des lieux, a réussi à amasser temporairement pas moins de quatre-vingts oeuvres, dont quinze inédites, d'Edouard Vuillard. Ce peintre (1868-1940) fut déjà dûment rétrospectivé (au Grand Palais). Les grands musées parisiens auraient-ils voulu thésauriser leurs tableaux de Vuillard pour une autre occasion? En tout cas, Jean-Paul Monery et son collègue de Lausanne (où l'expo ira après) n'ont eu de cesse de relancer galeries et collectionneurs de Vuillard, qui ont prêté.
Le titre de l'exposition, «La porte entrebâillée», est bienvenu. Chez Edouard Vuillard, la porte, en effet, n'est jamais bien ouverte