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Libération

«Il fait beau, allons au cimetière»

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Echo d'une récente rencontre avec Jeanloup Sieff.
publié le 22 septembre 2000 à 4h37

Mi-juillet, il faisait beau, un rayon de soleil éclairait son atelier. Il était allongé, avait débranché la perfusion le temps de la visite. Un pull bleu marine souligne son cou maigre, une barbe vif argent à la Gainsbourg. Calé sur deux oreillers, il est séduisant. Son fils Sacha s'éclipse, son chat se love, il allume une cigarette qui lui est interdite. Il s'exprime posément, avec un pessimisme gai. Apprécie la conversation «car le photographe partage avec le journaliste, le coiffeur et le fossoyeur, l'avantage de rencontrer des gens qu'il n'aurait jamais dû, normalement, connaître». Considère l'écriture comme une thérapie. «J'ai toujours eu dans ma poche des petits carnets noirs dans lesquels je notais des bêtises ou de mauvais calembours, et en bandoulière un vieux Leica qui me permettait d'immortaliser des lumières improbables.»

Il aime photographier les paysages tristes, les courbes miraculeuses des derrières, les corps longs, ombilicaux, les ballerines, les falaises du pays de Caux, les fantômes et les cimetières. «Des endroits de paix et de silence, avec des statues baroques, des soleils accidentels qui éclairent des tombes fatiguées. "Il fait beau, allons au cimetière", disait sa grand-mère à Emmanuel Berl, c'est également devenu ma devise.» Il est «né nostalgique comme d'autres gauchers». Dans ses carnets, il écrit: «Une bouffée de bonheur, comme un parfum trop violent» et livre une définition du voyeur: «Cruauté involontaire d'une photographie: je regarde à la loup