En choisissant d'inaugurer sa programmation musicale par le Prometeo de Nono, le Festival d'automne semble vouloir affirmer que, pour «postmodernes» que nous soyons, l'oeuvre de Luigi Nono, disparu il y a dix ans, n'a pas fini de nous interpeller musicalement, politiquement et philosophiquement.
Après avoir exprimé à travers sa musique l'inquiétude causée par l'injustice sociale, morale et politique (d'Auschwitz à l'Algérie en passant par le Viêt-nam), Nono fut, comme nombre de communistes au début des années 70, en proie au désespoir d'une conscience historique toujours aiguë privée de sa capacité d'agir.
Sans renoncer aux combats du collectif, ce ténor de l'avant-garde contemporaine, qui dénonçait les prétentions des «postsérialistes» (dont il fut, avec Boulez et Stockhausen) à se poser en principe et fin d'une ère nouvelle, commença à envisager l'homme comme sujet métaphysique.
Créé à Venise. Prometeo, dont il discute, vers 1975, avec le philosophe Massimo Cacciari, et qu'il créera, en 1984, à Venise, fait partie de ces oeuvres congédiant l'artifice compositionnel au second rang, pour élaborer une dramaturgie sonore à partir de la perception physiologique d'événements acoustiques. Comme si, à l'utopie des idées, devait succéder celle de dimensions physiques inédites.
Ni démiurge artisan de son propre destin, ni philanthrope humaniste, Prométhée serait, selon Cacciari, celui qui, dans la tragédie d'Eschyle, dénonce le totalitarisme des souverains de l'Olympe, tout en sachant