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Portrait

Une trajectoire solitaire

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La réflexion, l'exil et la mort, un penseur esseulé.
publié le 29 septembre 2000 à 4h53

Lundi, les philosophes, philologues et historiens invités au colloque Walter-Benjamin, qui ouvre ses travaux le lendemain à Barcelone, font un voyage vers Port-Bou. C'est dans ce bourg de Catalogne, situé à la frontière française, que, soixante ans plus tôt, le 26 septembre 1940, le penseur berlinois éreinté par un exil forcé, des années de solitude intellectuelle, une traversée de la France déglinguée par la débâcle et le refus de l'Espagne de lui accorder un visa, s'est suicidé en s'administrant une dose de morphine.

Ami de Theodore Adorno, de Bertolt Brecht, de Gershom Scholem, Benjamin était né 48 ans plus tôt, dans une famille juive assimilée de Berlin. Attiré d'abord par l'idéologie postromantique en vogue dans la jeunesse allemande éduquée, il se passionne ensuite pour le judaïsme et surtout pour la révolution d'Octobre et le marxisme.

Dans les années 20, ce francophile commence à écrire sur Marcel Proust et notamment sa conception du Temps retrouvé, actualisation d'un passé recomposé. Il s'intéresse à Baudelaire, qui, de son XIXe siècle qui reste la référence du siècle suivant, lui inspire des pages très belles. Les passages parisiens vont aussi stimuler sa pensée. Il y voit une étape entre la conception classique de l'architecture (représentée par la présence du marbre et de la pierre) et une autre, plus technique et industrielle (dont témoigne l'utilisation du verre et surtout du fer).

Difficile exil. Cette relation dialectique entre deux époques, deux conceptions du