«Petit frère» pour les uns (Bashung), grand pour les autres, Rachid Taha, qui vient de publier son cinquième album, sillonne depuis bientôt vingt ans le paysage musical français avec une constance n'ayant d'égale que sa versatilité. Quelques faits d'armes suffisent d'ailleurs à rappeler cette position de franc-tireur qu'il aura occupée au gré et en lisière des époques et des tendances. Quand il envoie sa carte de visite/Carte de séjour, à l'aube de l'ère mitterrandienne, c'est pour habiller la Douce France patrimoniale de sonorités hétérodoxes qui le propulsent illico trublion du melting potes black/blanc/beur. Affranchi de son groupe, on le croise au début des années 90 en plein Barbès.
Deux ans plus tard, voici Voilà voilà, petit tube doublement remarquable qui situe Taha (et son complice anglais Steve Hillage, ex-Gong ayant troqué ses effets prog rock pour endosser une panoplie d'explorateur) à la pointe du «progrès» musical électro bien avant l'heure et de la politisation des dance floors, en tirant le signal d'alarme face à la montée de l'extrême droite: «La leçon n'a pas suffi/Faut dire qu'à la mémoire on a choisi l'oubli/Dehors, dehors les étrangers/C'est le remède des hommes civilisés/Prenons garde ils prospèrent...» (suivront Un jour en France de Noir Désir, Tout semble si.. de Zebda, etc.).
«Kelma» et Santana. Viendra alors le Taha «branché», provo' en teinture blonde shooté par Mondino; le retour aux origines (Diwan, restauration flamboyante