Pendant une vingtaine d'années, le sociologue-philosophe Paul Virilio a écrit une douzaine de livres, parmi lesquels Vitesse et politique, Esthétique de la disparition ou la Vitesse de libération, qui ont laissé une empreinte forte et durable dans le paysage éditorial français. A quelle nouvelle et insolite «stratégie de la déception» (1) s'est-il donc cru obligé de se livrer aujourd'hui?
Quand un penseur fatigué ne sait plus (à) quoi penser, mais qu'il a besoin de publier ses pensées, il se dit un beau jour: «Tiens, et si j'écrivais un opuscule pour casser du sucre sur l'art contemporain?» Ce dernier, mieux que la musique ou la littérature contemporaines, semble propice à exercer la hargne de quelques intellectuels qui ont généralement en commun une certaine défiance vis-à-vis des artistes de leur époque. On avait déjà eu droit à quelques fulminations du même acabit, telles celles de Jean Baudrillard (dans Libération, notamment), de Jean-Philippe Domecq, de Régis Debray ou de Luc Ferry.
Le pire. Virilio avait gardé sous le coude les textes de deux conférences. Il les a repris pour fabriquer un petit livre publié dans la collection qu'il dirige on n'est jamais mieux servi que par soi-même. C'est dédié à Jean-Louis Prat, directeur de la fondation Maeght (2), qu'on ne savait pas hostile à l'art de son siècle, et ça s'appelle la Procédure Silence, qui est aussi le titre du second chapitre de l'ouvrage. Le premier, lui, se nomme Un art impitoyable. Tout de suite, on tremble. On