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Libération
Critique

Le tribut à la paix

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publié le 18 octobre 2000 à 5h29

Alpha Blondy, à la différence de son compatriote Tiken Jah Fakoly, n'a pas fêté dans les rues la chute de l'ex-président Bédié : «J'étais caché sous mon lit!», dit-il en riant. Celui qui dans son premier tube, Opération coup de poing, demandait pardon à un brigadier, a toujours la même phobie des armes à feu, et la situation actuelle en Côte-d'Ivoire n'est pas faite pour le rassurer. Lors d'une visite musclée des militaires, les gradés ont fouillé sa maison à la recherche de caches d'armes et, n'en trouvant pas, sont partis avec des mots courtois; mais le spectacle qui attendait Alpha Blondy dans la cour lui a donné froid dans le dos : une quarantaine de soldats avaient mis ses ouvriers ventre à terre et les menaçaient. «Toi, le petit Dioula, tu préfères une balle dans le dos ou dans la tête?» C'est cette dérive vers le nettoyage ethnique qui terrifie le chanteur ­ d'autant que son nom, Seydou Koné, le classe parmi les «nordistes» (les ethnies du Sahel), victimes désignées pour les expéditions punitives. Comme d'ailleurs Tiken Jah, Ismaël Isaac et beaucoup d'autres chanteurs ivoiriens de reggae.

Paix, justice. Pourtant, le message rasta est par excellence non ethnique, non religieux et non politique. Bob Marley le sang mêlé n'a jamais été plus grand que le jour où il a su joindre sur scène, au-dessus de sa tête, les mains des deux politiciens ennemis jamaïcains, Michael Manley et Edward Seaga. Alpha Blondy, lui, monte sur scène avec la Bible dans une main et le Coran dans l'a