Lars von Trier recueillant sa palme d'or torchée à l'Aquavit, puis se précipitant ventre à terre sur le plateau du journal de TF1 pour expliquer que son film était l'émanation directe de sa consommation de Prozac et de neuroleptiques, la publicité faite autour du climat particulièrement détestable du tournage et les règlements de comptes par interviews interposées entre le cinéaste et son actrice, la pop-star Björk, lancés chacun dans leur coin dans un concours de remontrances amères et d'égocentrisme écorché, chacun au finish ex-aequo pour décrocher le pompon du régressif, voilà qui donnait envie à Cannes de distribuer quelques paires de gifles bien senties. Cela n'aurait servi d'ailleurs à rien car le film lui-même demeure et c'est quelque chose de si visiblement insensé qu'on est en droit de se demander si les dosages médicamenteux n'auraient pas dû carrément être révisés à la hausse par simple mesure de salubrité publique.
Le synopsis est le suivant: Selma (Björk) est une immigrée tchèque installée dans un coin reculé de l'Amérique des années 60. Elle élève seule son fils et trime dur dans une petite usine. Pour s'évader de son triste sort, elle rêve sa vie en comédie musicale fugace. Le soir, avec sa collègue Kathy (Catherine Deneuve, merveilleuse à jamais), elle répète une adaptation amateur de la Mélodie du bonheur dans la salle municipale. Selma dissimule un terrible secret: elle devient aveugle et économise pour payer l'opération de son fils, promis à la même cécité.