Parmi les propos de Paulo Rocha s'expliquant sur la Racine du coeur, relevons cette ligne: «Adapté à l'univers de la très vieille et magique ville de Lisbonne, projeté dans un proche avenir fascisant, la Racine du coeur prend des libertés avec la vraisemblance, dans un esprit et un style qui viennent tout droit de Renoir, à qui le film est dédié.» Magie, Lisbonne, projection, liberté, esprit et style: pas un ingrédient ne manque à l'appel du film, même si la dédicace à Renoir est plus opaque. L'autre mot-clé du bréviaire de Rocha c'est «fascisme»: celui qui nous menace «dans un proche avenir», ou plutôt ses formes modernes, qui tambouillent l'ordre moral reconstitué, l'hygiénisme sexuel, la haine de l'étranger en général et de l'Africain en particulier.
A Lisbonne, ce fascisme s'insinue à travers les exactions des flics qui, la nuit venue, en chantant leur refrain favori («Taper sur les grues, les Noirs, les paumés!»), s'organisent en milices clandestines rompues au cassage de travelos. L'un d'eux est balancé dans le Tage. Ses frères et soeurs, drags baroques, négresses fluo et vertes de rage, organisent la vengeance...
Drôle et boiteux. A plus d'un tour, on est au bord de se pincer en voyant la Racine du coeur, inqualifiable coup de sang et coup de gueule du vieux singe portugais Rocha. Entre farce et drame, comédie musicale et musical politique, poésie profane et mélo païen, entre du Demy dissonant et du Vecchiali expérimental early eighties, le film est un objet encombrant