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Libération
Critique

Le roi et le père Lear

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publié le 24 octobre 2000 à 5h42

jusqu'au 12 novembre au théâtre de la Tempête à la Cartoucherie,

Paris XIIe; tél.: 01 43 28 36 36.

L'imposant décor hérissé de métal rouillé tient lieu de mise en garde. Vieillesse, folie et coeur de fer sont les ingrédients sans espoir de la tragédie du Roi Lear, sans doute la plus métaphysique qu'ait écrite Shakespeare après Hamlet. Les brumes épaisses qui flottent telles des chimères dans cet espace hostile conçu par Gérard Didier, disent tout du climat délétère qui règne au royaume de Grande-Bretagne et de l'aveuglement d'un souverain qui court droit à la catastrophe. Le roi Lear de Philippe Adrien est un vieil homme tournant le dos au monde dès la première scène. Etrangeté. Assis à une longue table, le vieillard s'adresse à ses filles sans leur accorder un regard, il ne veut entendre que ce qui flatte son orgueil. «Dites-moi, mes filles ­ puisque nous allons nous dépouiller du règne et du revenu des terres et des soins de l'Etat ­, laquelle de vous, dirons-nous, nous aime le plus... de sorte que notre plus grande largesse se répande sur celle en qui Nature et mérite se surpassent.» Goneril et Regane fouleront au pied la carte du royaume en partage pour entourer le père de leur affection feinte. Seule Cordélia dira en face la vérité qui lui vaudra bannissement et celui du fidèle conseiller du roi, Kent... L'histoire est connue et, pourtant, il s'opère ici comme un effet d'étrangeté qui ne tient pas uniquement à la nouvelle traduction, directe, sobre, de Luc de Goustine. Là