Sacile envoyé spécial
On a vu un restaurateur jouer au telefonino avec un homard cuit, mais c'était à Venise dans un vrai restaurant, pas à Sacile. A Sacile, dans le Frioul, sur l'écran du Teatro Zancanaro, il n'y avait qu'un gag à crabe klepto et pinceur de fesses pour nous faire rire, et encore, dans un Harold Lloyd un brin laborieux (Speedy, 1928). Rires pourtant bienvenus, vu l'austérité à tous crins qui caractérisait la programmation cette année au Festival du cinéma muet: très peu de choses dataient d'après 1914, et, pour un Buck Jones de derrière les fagots (The Flying Horseman, western Fox de 1926 dirigé par un homme au nom irrésistible d'Orville O. Dull) ou quelques comédies retrouvées, il fallait se fader des tunnels plus périlleux comme «Animation nordique», ou les silhouettes en papier de Lotte Reiniger dans l'assez dispensable ensemble «Avant-garde allemande».
Déceptions et pépites. Il y avait tout de même une belle expo sur Stroheim, mémentos personnels et photos de famille, et bien sûr la rétrospective Feuillade. Mais, même là, nous fûmes surpris de découvrir que, sur la longueur, certains feuilletons estimés ne tenaient pas si bien la route que ça. Il y a toujours un certain embourbement narratif chez Feuillade, un manque de rythme aussi, surtout comparé aux films américains de la même époque. Et, pour ajouter le chagrin à la surprise, la copie neuve des Vampires fournie par la Gaumont était incroyablement charbonneuse, preuve que comparés aux techniciens de l'